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Eloge de l'Art par Alain Truong
10 mars 2009

"Dvâravatî : aux sources du bouddhisme en Thaïlande" @ Musée Guimet

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Buddha protégé par le nâga, VIIe siècle. Wat Pradu Songtham, province d’Ayutthaya, grès, Musée national de Bangkok © Thierry Ollivier / Musée Guimet.

Réunissant un ensemble d’œuvres sur l’art bouddhique en Thaïlande du VIème au XIIIème siècle, cette exposition fait revivre l’antique civilisation dite de Dvâravatî, du nom de l’un des plus anciens États indianisés d’Asie du Sud-Est.
Le « royaume » de Dvâravatî était essentiellement tourné vers le bouddhisme ; il a considérablement influencé la culture thaïlandaise ultérieure.

138 œuvres proviennent des collections de douze des principaux musées nationaux thaïlandais et 20 pièces appartenant au musée Guimet complètent l’ensemble. L’exposition se propose de faire découvrir au public la richesse culturelle de cet ancien royaume à travers ces pièces uniques constituées essentiellement de sculptures en pierre et en bronze.

Dvâravatî, un royaume sans histoire ?

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Monnaie inscrite avec vache et veau, c. 7e siècle, Khu Bua, province de Ratchaburi Diam. 1,7 cm ; Ep. 0,01 cm Argent Musée national de Ratchaburi © Thierry Ollivier / Musée Guimet

Une pièce de monnaie en argent, inscrite en sanskrit « Œuvre méritoire du seigneur de Dvaravati », émerge des entrailles de la terre de la main d’archéologues et c’est tout un royaume qui se révèle… Créateur de la première forme d’état bouddhique de l’Asie du Sud-Est, la civilisation fondée par le dit seigneur de Dvâravatî reste en bien des points énigmatiques.

Les Môns composaient l’essentiel de la population de l’ancien royaume-État de Dvâravatî. Implantée sur l’ensemble du territoire – tout particulièrement le long des plaines côtières en fonction des axes d’échanges commerciaux sur les routes fluviales jalonnant l’actuelle Birmanie et le Nord de la Thaïlande (l’ancien royaume du Siam), la civilisation mône se développa du VIème aux XIème-XIIIème siècles.

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Buddha Mâravijaya, VIIIe siècle, province de Buriram, grès, Musée national de Bangkok © Thierry Ollivier / Musée Guimet.

Son rayonnement considérable s’étendit sur un territoire couvrant principalement les plaines centrales de la Thaïlande actuelle et le sud de la Birmanie (Myanmar). La localisation des principaux sites môns pourrait laisser penser que la prospérité de ce peuple fût directement liée au commerce qui était alors très actif dans toute l’Asie du Sud-Est ; mais finalement, nul ne sait vraiment si cette société comptait une dynastie, une ou plusieurs capitales, une armée puissante ou de grandes richesses matérielles issues d’une économie florissante.

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Roue de la Loi (Dharmacakra), VIIe siècle. Nakhon Pathom, pierre Musée national Phra Pathom Chedi de Nakhon Pathom © Thierry Ollivier / Musée Guimet

Excepté quelques citations dans des textes d’ambassadeurs ou de pèlerins chinois (VIIème siècle), le royaume môn de Dvâravatî ne semblait avoir laissé aucune trace physique : peu bavard, ce premier jalon du bouddhisme en Thaïlande a laissé de rares monuments et vestiges.

Aux sources du bouddhisme en Thaïlande : l’indianisation et Nakhon Pathom, La "ville initiale"

Dans le courant des premiers siècles de notre ère, à la faveur du développement des relations commerciales unissant l’Inde à la Chine par les voies maritimes et terrestres, l’influence culturelle indienne s’étendit à toute l’Asie du Sud-Est. Ce contexte économique favorable contribua à la formation d’États qui adoptèrent bientôt les fondements de la culture indienne : les langues (sanskrit et pâli), les religions (hindouisme et bouddhisme), mais aussi la conception de la royauté et une certaine perception du monde. Entre les IIIème et VIème siècles, ces États étaient peu à peu entrés dans le concert des peuples « indianisés » de l’Asie.

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Gazelle, VIIe - VIIIe siècle. Prasat Klong Samut, grès, Musée national de Bangkok © Thierry Ollivier / Musée Guimet.

Par les fleuves et les rivières qui les traversent (Mae Nam Chao Phraya, Ta Chin, Mae Khlong, etc.), les fertiles plaines centrales de l’actuelle Thaïlande étaient en contact avec les routes commerciales reliant l’Inde du Nord-Est à la Chine du Sud. Ces régions bénéficiaient de leur proximité avec le golfe de Thaïlande dont les eaux étaient alors sillonnées par des navires marchands de toutes origines.

En qualité de port actif, Nakhon Pathom, la « ville initiale », fut peut-être « la » ou « l’une des » capitales de Dvâravatî. À son apogée, la cité était un grand centre de pèlerinage où le bouddhisme theravâda (la « doctrine des Anciens » fondée sur les paroles du Buddha, recueillies de son vivant mais retranscrites bien plus tard) était florissant.

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Base de roue de la Loi décorée d’un homme-lion, VIIe siècle. Nakhon Pathom, grès, Musée national Phra Pathom Chedi de Nakhon Pathom © Thierry Ollivier / Musée Guimet

L’art de Dvâravatî

Essentiellement en pierre et en bronze, les images du Buddha voisinent avec des reliefs en stuc ou en terre cuite (éléments de décor architectural) et de rares objets usuels ou religieux (monnaie, plaquettes votives, éléments de dépôt de fondation…). Provenant pour beaucoup de la base même des monuments, éléphants, musiciens, danseurs et ascètes narrent de façon gracieuse les vies antérieures de Buddha, formant écho à la doctrine du theravâda. Le temps passant, ces splendides représentations ont été ensevelies et miraculeusement préservées ; les statues de culte, quant à elles, ont parfois été remployées dans d’autres lieux sacrés où elles font aujourd’hui encore l’objet d’offrandes.

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Plaque de dépôt de fondation, c. 7e siècle, Phra Pathom Chedi, Nakhon Pathom, H. 15 cm ; L. 21 cm ; P. 4 cm, Pierre calcaire, Musée national de Bangkok © Thierry Ollivier / Musée Guimet

Autre particularisme développé par le mystérieux royaume : des mégalithes perpétuant les cultes animistes prébouddhiques (sema) et aussi de grandioses et somptueuses roues de calcaire ou de grès, sculptées en ronde-bosse : les roues de la Loi. Symbole de la doctrine du Buddha, ces œuvres à caractère solaire, peuvent atteindre 2,00 m de diamètre et sont souvent dans un état de conservation exceptionnel. Les roues de la Loi (dharmacakra) font partie des huit signes de bon augure du bouddhisme, abondamment représentés dans les arts de l’Asie. Lors de son premier sermon, le Buddha a « mis en mouvement » la roue de la Loi, laquelle fait désormais rayonner la doctrine sur l’ensemble de la création et des êtres dans le cycle sans fin des renaissances…

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Sema représentant le Buddha et le brahmane Sottiya, IXe - Xe siècle. Fa Daed Song Yang, Kalasin, grès, Musée national de Khon Kaen © Thierry Ollivier / Musée Guimet

Le style de Dvâravatî perdurera jusqu’à l’arrivée des Khmers au début du XIème siècle, date à laquelle le « royaume » devint peut-être un vassal de l’empire angkorien. Dvâravatî n’aurait ainsi pas survécu à la triple pression birmane, khmère et siamoise et aurait disparu des plaines centrales de Thaïlande au cours du XIème siècle.

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Buddha sur Panasbati, VIIe - VIIIe siècle, grès, Musée national Chao Sam Phraya d’Ayutthaya © Thierry Ollivier / Musée Guimet

Au nord du pays, le royaume môn de Hariphunchai, fondé par des colons autour des VIème-VIIème siècles, permettra toutefois à l’esthétique originale du premier grand art bouddhique de Thaïlande de perdurer jusqu’aux environs du XIIIème siècle.

Les fouilles archéologiques récentes conduites par des spécialistes thaïlandais et internationaux, précédées par les recherches menées dans les années 1930 et même plus tôt, dès la fin du XIXème siècle, n’ont cessé d’identifier les vestiges de cette splendeur perdue.

L’exposition unique que présente le musée Guimet, où le visiteur se transforme à son tour en explorateur d’un monde perdu, tente de lever le voile sur l’énigme d’une civilisation demeurant à bien des égards inconnue, tout en lui rendant sa place au cœur de l’histoire…

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Base de roue de la Loi décorée d’un homme-lion, VIIe siècle. Nakhon Pathom, grès, Musée national Phra Pathom Chedi de Nakhon Pathom  © Thierry Ollivier / Musée Guimet

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Tête de lion, VIIe siècle. Chedi Chula Pathon, stuc, Musée national Phra Pathom Chedi de Nakhon Pathom © Thierry Ollivier / Musée Guimet.

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Buddha en méditation, VIIIe - IXe siècle, terre cuite polychrome, Musée national U Thong de Suphanburi © Thierry Ollivier / Musée Guimet.

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Scène d’orchestre, VIIIe siècle. Stupa 10, Khu Bua, province de Ratchaburi, stuc, Musée national de Bangkok © Thierry Ollivier / Musée Guimet

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Deva paré ou bodhisattva, VIIe siècle. Khu Bua, province de Ratchaburi, terre cuite, Musée national de Bangkok © Thierry Ollivier / Musée Guimet

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Tête de Buddha, VIIIe siècle, Wat Mahathat, district de Muang, province de Ratchaburi, grès laqué et doré, Musée national de Ratchaburi © Thierry Ollivier / Musée Guimet.

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Buddha Mâravijaya, VIIIe siècle, province de Buriram, grès, Musée national de Bangkok © Thierry Ollivier / Musée Guimet.

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Buddha debout, VIIIe siècle, crypte d’un stupa près du Wat Choeng Ta, bronze, Musée national de Bangkok © Thierry Ollivier / Musée Guimet

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Tête de Buddha, XIe - XIIIe siècle. Wat Phra That Haripunchai, terre cuite, Musée national Haripunchai de Lamphun © Thierry Ollivier / Musée Guimet

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Moine en prière (détail), XIe - XIIIe siècle. Lamphun, terre cuite, Musée national de Chiang Mai © Thierry Ollivier / Musée Guimet

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