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Eloge de l'Art par Alain Truong
13 juillet 2009

"Laurent de La Hyre, 1606-1656" @ Musée du Louvre

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Laurent de La Hyre (1606-1656),  La Fureur des membres du Sanhédrin (détail), pierre noire, pinceau et lavis gris, estompe, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Inv. 27 508 © RMN/ DR.

Cette exposition donne à voir un remarquable groupe d’œuvres qui forme l’intégralité de la collection des dessins de Laurent de La Hyre conservés au musée du Louvre. Egalement peintre, graveur, il est en effet considéré comme l’un des meilleurs dessinateurs du XVIIe siècle. Cet artiste profondément chrétien, qui a la particularité de ne pas être allé en Italie, crée un style très personnel et très mesuré – même s’il subit les influences successives de l’école de Fontainebleau, des maniéristes et de l’antique – auquel s’ajoutent une connaissance précise de la perspective et une perception sensible de la nature. Ce sont toutes ces composantes, parfaitement équilibrées, que l’on retrouve dans les quarante huit oeuvres de cette exposition, exécutées sur plus de trente ans, et dont l’homogénéité est accentuée par la technique qu’il utilise pour ses dessins : la pierre noire, le pinceau et lavis, à l’exception d’un dessin à la sanguine.

Laurent de La Hyre, fils du peintre Étienne de La Hyre (vers 1583 - 1643), est tout d’abord l’élève de son père qui lui fait copier des dessins et lui apprend la perspective et l’architecture. Il étudie ensuite au château de Fontainebleau les oeuvres de Primatice (1504- 1570), dont l’influence se fait sentir dans ses premiers dessins, puis fréquente, quelque temps, l’atelier parisien de Georges Lallemant (vers 1570 - vers 1635). Puis il se forme seul, peignant dessinant et gravant sans relâche. Marié et père de cinq enfants, il mène une vie pieuse et heureuse vouée à l’art. Il peint son autoportrait dans la figure du secrétaire du pape dans son Nicolas V découvrant en 1449 le corps de saint François d’Assise (musée du Louvre, département des Peintures).

taContrairement à de nombreux artistes, il ne va pas en Italie. Ainsi, l’influence de l’art de la Contre-Réforme lui est étrangère. La Hyre est réfractaire à la « grande manière » de Simon Vouet, omniprésent sur la scène artistique parisienne, même si certains auteurs ont parfois décelé son influence, tout comme celle de Nicolas Poussin. La Hyre se rapproche le plus d’Eustache Lesueur (1616-1655), qui, lui non plus, ne va pas en Italie. Il assimile parfaitement l’antique qu’il connaît à travers des gravures comme on peut le voir dans ses peintures et ses dessins, principalement dans ceux de l’Histoire de saint Étienne. Ainsi, il crée un style très personnel fait d’équilibre, de clarté et d’élégance. À cela s’ajoute l’influence de Girard Desargues (1591-1661), fondateur de la géométrie projective, avec lequel il entretient une grande amitié, influence qui se remarque dans l’attention toute particulière de l’artiste pour la perspective et l’architecture comme en témoignent son Étude d’architecture et de paysage, sa Vision de saint Dominique et ses dessins de la vie de saint Étienne.

Illustration: Laurent de La Hyre (1606-1656), Saint Jean l’Evangéliste (c) Musée du Louvre, département des Arts graphiques

Son inspiration est diverse qu’il s’agisse de thèmes mythologiques, comme le rare Pygmalion, littéraires, surtout au début de sa carrière, ou de paysages animés de personnages. La plus grande partie de son oeuvre est consacrée aux thèmes religieux inspirés par l’Ancien et le Nouveau Testament.

S’il représente des épisodes de la vie du Christ et de la Vierge, c’est avant tout l’histoire des saints qu’il préfère, surtout ceux ayant pratiqué la Solitude et appartenant à des ordres mineurs, comme les Franciscains pour lesquels il travaille plusieurs fois en raison d’une inclination personnelle. La présentation du Paysage avec saint François stigmatisé, prêté par le département des Peintures, montre la même inspiration dans ses petits tableaux.

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Laurent de La Hyre (1606-1656),  Histoire de saint Etienne, entre 1646 et 1647, pierre noire ; estompe ; lavis gris-brun, Musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. 27.500 © RMN/ DR.

Le cycle de la vie de saint Étienne

En 1646, le curé et les marguilliers de l’église Saint-Étienne-du-Mont à Paris passent à La Hyre commande de dessins préparatoires à des tapisseries destinées à décorer, les jours de fêtes, la nef de l’église. La Hyre exécute alors un ensemble de dessins, sans doute plus important que les dix-neuf qui sont parvenus en 1797 – après leur saisie en 1793 – au Cabinet des dessins du Louvre, soit dix-sept dessins pour les tapisseries et deux, reprenant deux des grands dessins, pour deux des panneaux de la chaire sculptée par Claude L’Estocart (ou Lestocart), élève de Jacques Sarrazin.

C’est évidemment la vie de saint Étienne qui est choisie comme sujet pour cette commande qui n’est malheureusement pas menée à bien, en raison des troubles de la Fronde et de problèmes financiers mais aussi techniques liés au passage du format des dessins au format des tapisseries. Les cinq tapisseries tissées ont disparu, probablement détruites à la Révolution.

La Hyre dessine la vie d’Étienne depuis le moment où il reçoit l’imposition des mains, qui fait de lui un diacre, jusqu’à la translation de ses reliques, en s’inspirant du texte des Actes des Apôtres écrit par saint Luc. Les trois derniers dessins de la série, qui montrent le Songe de Lucien à qui Gamaliel livre le secret de la tombe de saint Étienne, L’Invention du corps de saint Étienne et la Translation de ses reliques, sont inspirés de l’Épître du prêtre Lucien. Ce qui est remarquable dans cette série de dessins, c’est l’union du goût de l’artiste pour les grandes architectures avec le souvenir constant de l’antique et l’application d’une même perspective pour tout l’ensemble avec un point de fuite placé dans chaque dessin à la hauteur de dix huit centimètres à partir du bas. À tout cela s’ajoute l’esprit religieux que fait souffler La Hyre dans ses dessins, en donnant à saint Étienne la figure de la certitude de la foi.

L’ensemble des dix-sept grands dessins n’a jamais été montré au public dans sa totalité depuis l’exposition de l’An V (1797) dans laquelle ils figuraient.

Les esquisses pour la décoration du réfectoire du couvent des Minimes

tbLes dix-huit esquisses peintes à l’huile sur toile sont en rapport avec le souhait des pères Minimes du couvent de la place Royale à Paris (aujourd’hui détruit) de décorer leur réfectoire. En 1648, ils passent commande à Simon Vouet de dix-huit figures de « patriarches » destinées à être placées à côté de quatorze grandes grisailles de paysages de La Hyre. Vouet mort en 1649, la commande échoit à La Hyre. Il donne les dix-huit esquisses qui représentent, à l’exception du Christ et du Saint Jean Baptiste, des saints fondateurs d’ordre ayant pratiqué la Solitude, « à l’écart du commerce, de la vue et de la fréquentation des hommes », pour reprendre le Dictionnaire de l’Académie française (1694), afin de connaître le salut de leur âme.

Illustration: Laurent de La Hyre (1606-1656). Saint Fiacre méditant dans le désert (c) Musée du Louvre, département des Arts graphique

Ces esquisses sont restées longtemps sans attribution. C’est Pierre Rosenberg et Jean-Pierre Cuzin qui les ont attribuées à La Hyre. La provenance de ces oeuvres est inconnue ; il s’agit probablement d’une saisie révolutionnaire.

Le choix de la grisaille comme décor pour le réfectoire correspond au voeu des pères Minimes qui, aux trois voeux traditionnels, ajoutaient un quatrième, le carême perpétuel. Si leur couvent était orné d’oeuvres des plus grands peintres, la grisaille y était partout présente comme signe du désir des pères de se situer audessous des autres d’où leur nom de Minimes. Ce qui n’empêchait pas leur couvent d’être réputé pour sa brillante vie culturelle, grâce à la personnalité notamment du père Marin Mersenne (1588-1648).

Les peintures de Laurent de La Hyre visibles dans les salles 19 et 25, aile Sully (proches de l’exposition), rendent compte du grand talent de coloriste de l’artiste.

Du 25-06-2009 au 21-09-2009. Musée du Louvre, Département des Arts graphiques, Aile Sully, 2eme étage, salle 20 à 22

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