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Eloge de l'Art par Alain Truong
9 août 2009

Théodore Géricault (1791-1824 ) Tigre royal couché au bord d'un ruisseau, copie d'après Stubbs.

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Théodore Géricault (1791-1824 ) Tigre royal couché au bord d'un ruisseau, copie d'après Stubbs.

Huile sur toile, 54 x 71, 6 cm. Rentoilage, 1820-1821 Au dos, sur le châssis, cachet de cire rouge de la collection Pierre Dubaut. Estimation : 80 000 / 120 000 €

Provenance : - Collection George Aubry, dès 1931.
- Paris, Hôtel Drouot, 16 décembre 1933 (selon Ph. Grunchec)
- Collection Pierre-Olivier Dubaut (1886-1968)
, dès 1936.
- Collection Maxime Dubaut (1920-1991).

Expositions :
- Exposition coloniale internationale de Paris. Beaux-Arts, Paris, mai - novembre 1931, p.33, sans n° : « Géricault, Tigre couché (Coll. de M. Aubry)».
- Exposition de l'art animalier à travers les âges, Paris, Galerie Arthur Sambon, 1932, n° 27 : « Théodore Géricault, Tigre Royal. Toile. Coll. George Aubry ».
- Gros, ses amis, ses élèves, Paris, Petit Palais, mai-juillet 1936, n° 285 : « Géricault, Tigre Royal/ Toile. H. 0, 53 ; L. 0, 72./ A. M. Pierre Dubaut ».
- First Exhibition in America of Géricault, Paintings-Drawings, New York, Marie Sterner Galleries, 16 novembre - 5 décembre 1936 (introduction de Walter Pach)
, n° 8 : « Géricault, Tigre royal, couché au bord d'un ruisseau, 21¾” x 28”, collection Dubaut, Paris ».
- Exposition Géricault, peintre et dessinateur (1791-1824)
, organisée au bénéfice de la "Sauvegarde de l'Art français", Paris, Galerie Bernheim-jeune, 10 mai - 29 mai 1937 (Introduction par le duc de Trévise, catalogue par Pierre Dubaut)
, n° 68 : « Géricault, Tigre couché au bord d'un ruisseau, d'après une peinture de l'animalier anglais Stubbs, Toile, 55 x 72 cm. App. à M. P. Dubaut ».
- Théodore Géricault, 1791-1824, Londres, Marlborough Art Gallery, octobre - novembre 1952 (catalogue par Pierre Dubaut)
, n° 29 : « Géricault, Tiger Lying at the Edge of a Stream, Oil on canvas, 0, 55 x 0, 72 cm. After a painting or aquatint by the English animal-painter, Stubbs (1724-1806)».
- Théodore Géricault, 1791-1824, Winterthur, Kunstmuseum, 30 août - 8 novembre 1953 (préface de Heinz Keller, texte de Von Gotthard Jedlicka, catalogue par Pierre Dubaut)
, n° 100 : « Géricault, Tigre royal couché au bord d'un ruisseau, d'après George Stubbs, 55 x 72 cm, Paris, collection particulière ».
- Cent chefs-d'œuvre de l'art français, 1750-1950, Paris, Galerie Charpentier, 1957, n° 38 : « Géricault, Tigre royal couché (Interprétation d'une œuvre de l'animalier anglais George Stubbs ».
- Géricault dans les collections privées françaises, Paris, Galerie Claude Aubry, 1964 (introduction par Claude Roger-Marx, catalogue par Pierre Dubaut)
, n° 34, repr. : « Géricault, Tigre royal couché au bord d'un ruisseau, Toile, 55 x 72 cm. Collection P. Dubaut. Inspiré d'une gravure à la manière noire de l'animalier anglais George Stubbs dont la toile originale, très différente d'aspect, se trouve aujourd'hui à la Tate Gallery, à Londres ».

Bibliographie : - Anonyme, « America sees Géricault Whose Art Lit the Flame of Romanticism », The Art Digest. The New Magazine of Art, t. XI, n° 4, 15 novembre 1936, p.6)
- Anthony Blunt, « Géricault at the Marlborough Gallery », The Burlington Magazine, t. XCV, n° 598, janvier 1953, p.27 : « The Tiger (n° 29)
is a very accurate copy after Stubbs, but why, on wonders, must it necessarily be by Géricault, or by a French artist at all ? ».
- G. S. Whittet, « London Commentary », The Studio, t. CXLV, n° 718, janvier 1953, p.26.
- Antonio Del Guercio, Géricault, Milan, Edizioni par il Club del libro, 1963, p.148, fig.
69 et 70 (détail)
: « Géricault, Tigre Reale, 55 x 72 cm, 1820-1822, Paris, collection Dubaut ».
- Neville Wallis, « Géricault - The Great Unknown ? », The Connoisseur, Londres, t. CLVIII, n° 635, février 1965, p.17, repr.
- Suzanne Lodge, « Géricault in England », The Burlington Magazine, t. CVII, n° 753, décembre 1965, p.627, note 60 (sur la problématique de l'influence de Stubb sur Géricault)
- [Lorenz Eitner], Charles Clément, Géricault. Étude biographique et critique avec le catalogue raisonné de l'œuvre du maître, 1879, réédition par Lorenz Eitner, avec un supplément, Paris, Léonce Laget, 1973, p.451, note du n° 73 : « Une version plus grande, plus soignée se trouvait dans la collection P. Dubaut ».
- Lorenz Eitner, Géricault, His Life and Work, Londres, Orbis Publishing, 1983, p.352, note 95.
- Philippe Grunchec, Tout l'œuvre peint de Géricault, introduction de Jacques Thuillier, Paris, Flammarion, 1978, p.117, n° 197, repr p.118 : « Géricault, Tigre royal couché au bord d'un ruisseau, 1820-1821, huile sur toile, 55 x 72 cm, Paris, collection particulière ».
- Germain Bazin, Théodore Géricault. Étude critique, documents et catalogue raisonné, t. II, L'œuvre, période de formation, Paris, Bibliothèque des arts, 1987, pp.300, 446-447, n° 348, repr : « Auteur inconnu. Tigre royal. D'après Stubbs. Copie d'après le tableau de la Tate Gallery, Londres, Huile sur toile, 55 x 72 cm, collection particulière ».
- Christophe Lennox-Boyd, Rob Dixon, Tim Clayton, Georges Stubbs. The Complete Engraved Works, Londres, Stipple Publishing Limited, 1989, p.133.
- Philippe Grunchec, Tout l'œuvre peint de Géricault, introduction par Jacques Thuillier, Paris, Flammarion, 1991 [édition de 1978, revue et augmentée], p.117, n° 197, repr. p.118 : « Géricault, Tigre royal couché au bord d'un ruisseau, d'après Stubbs, 1820-1821, huile sur toile, 55 x 72 cm, Paris, collection particulière ».

Examens scientifiques :
- Tableau examiné par Lumière Technology en juin 2009. Examen photographique multispectral à 240 millions de pixels : Couleurs D65, Lumière rasante ; Reflectographie Ultraviolet ; Reflectographie Fausses couleurs ; Reflectographie Fausses couleurs inversées ; Reflectographie Infrarouge 900nm & 1000nm, Emissio Infra Rouge, Radiographie au Rayons X.
- Restauré par Mme Laurence Baron-Callegari en 2009.
- Cette œuvre sera incluse dans le Catalogue raisonné des tableaux de Théodore Géricault, actuellement en préparation par M. Bruno Chenique.

C'est au cours de ses deux séjours en Angleterre (1820 et 1821) que Théodore Géricault devait renouer avec l'iconographie des fauves qui l'avait tant intéressé dans sa jeunesse (1811-1812). La visite de la ménagerie royale de la Tour de Londres (le célèbre zoo de cette ville n'ouvrira au public qu'à partir de 1828) lui permit sans doute d'approcher et d'étudier des lions, des lionnes, des lionceaux, des tigres et d'en faire de superbes dessins (à la plume, au crayon, à l'aquarelle, au crayon lithographique) .

Force est de constater que ce renouveau iconographique coïncide avec un regain d'intérêt pour l'Orient. Géricault, après son succès du Radeau de la Méduse (Salon de 1819), manifesta un besoin d'espaces nouveaux. Voyant quelquefois le peintre Gérard, il lui exprima un jour « le vif désir qu'il avait de faire quelque voyage lointain, et de chercher à mener une vie aventureuse dans les pays étrangers à notre civilisation. Il parlait de visiter l'Orient, d'aller à Jérusalem. Gérard, étonné, cherchait à le détourner de son projet ». Les objectifs des deux séjours en Angleterre ne répondent en rien à ces rêves de « vie aventureuse » peut-être inspirés par le voyage de Chateaubriand en terre sainte, par celui de son ami Pierre-Anne Dedreux ou par le simple besoin de vivre un périple à caractère initiatique, comme devait l'avouer Lamartine : « Je rêvais toujours d'un voyage en Orient, comme un grand acte de ma vie intérieure… ».

A défaut d'aventures extrêmes et exotiques, Géricault, à Londres, dessina et peignit des chevaux arabes, se déguisa en oriental et s'intéressa aux grands carnassiers.

Les Deux léopards (59 x 72, 5 cm), une toile de Géricault conservée au Musée des Beaux-Arts de Rouen et que Clément intitulait Deux tigres et datait des années 1812-1816, appartient sans aucun doute à cette série réalisée outre-Manche en 1820-18218.

Ces Deux léopards et le Tigre royal couché au bord d'un ruisseau, d'après Stubbs se répondent parfaitement. Ils semblent même avoir été conçus comme de véritables pendants. Surpris dans leur antre, les deux léopards, gueules béantes, prêts à bondir, menacent le spectateur, tout au contraire du tigre royal.

Cet intérêt manifeste de Géricault pour les fauves est-il à mettre sur le même plan que sa passion du cheval ? En fait, les deux motifs vont être réunis dans un véritable théâtre de la cruauté, un corps à corps fatal, dans lequel l'animal fétiche de Géricault est mis à mort, non par l'homme ou les désastres des guerres napoléoniennes, ni même par l'industrialisme naissant, mais par une autre force vive de la nature (sauvage et non domestiqué) vivant dans des continents lointains (Afrique, Asie).

Si l'on a pu suggérer que ce genre de scènes - le Tigre dévorant un cheval, par exemple - pouvaient refléter l'anxiété sexuelle de l'artiste, force est alors de constater la quiétude de ce tigre royal. S'appropriant un des chefs-d'œuvre de Georges Stubbs (1724-1806), un peintre animalier qu'il avait déjà copié et étudié quelques années auparavant11, Géricault, peut-être à partir de l'original, alors la propriété du duc de Marlborough (Blenheim Palace), ou, plus probablement, à partir de la superbe gravure à la manière noire (mezzotinte) de John Dixon publié en 1772 (46 x 58, 4 cm), a réussi, grâce à la subtilité de sa palette et au génie de son traitement pictural (le rendu de la bigarrure du pelage et de la végétation), à retranscrire cette grandeur calme propre aux portraits et à la représentation, dans la peinture d'histoire, des héros.

Allongé de tout son long, l'attitude de ce tigre exprime encore une forme de majesté bienveillante parfaitement traduite par la passivité de son corps et par un paysage exotique aux limites de l'onirisme, ou, pour reprendre la belle expression de Marie Jeune-Pessiot « une sorte de fantastique décoratif ».

Signalons enfin que l'analyse multispectrale menée par Lumière Technology a permis de révéler l'existence (indécelable aux infrarouges), d'une mise au carreau initiale, au pinceau et à l'ocre jaune. On sait par ailleurs que cette méthode de copie fut utilisée par Géricault au cours de l'élaboration de son Radeau de la Méduse.

Une récente restauration menée par Mme Baron-Callegari a enfin permis de dégager les nombreux repeints qui bouchaient totalement l'ensemble du tableau et plus encore le fond. Le résultat est véritablement spectaculaire et permet de pouvoir enfin contempler la matière originale et la subtilité du pinceau de Théodore Géricault.

Bruno Chenique
Docteur en Histoire de l'art
Ancien pensionnaire à la Villa Médicis (Rome) et au Getty Research Institute (Los Angeles)
Membre de l'Union française des experts.

Vente du Samedi 22 août 2009. Tableaux et Sculptures XIXe et XXe Siècles. Artcurial Deauville - 14800 Deauville. Pour tout renseignement, veuillez contacter la Maison de Ventes au 02 31 81 81 00

Pour voir la toile de George Stubbs au Virginia Museum of Fine Arts : http://images.google.com/imgres?imgurl=http://www.vmfa.state.va.us/collections/99_95.jpg&imgrefurl=http://www.vmfa.state.va.us/collections/99_95.html&usg=__qU-JeOYOCPIxUAjLqjRBhSblwik=&h=341&w=400&sz=20&hl=fr&start=8&sig2=8hL6Hr7XnYt8vKSfuMVcFw&um=1&tbnid=jfM7YvpjiDLFwM:&tbnh=106&tbnw=124&prev=/images%3Fq%3DGeorges%2BStubbs%2B%252B%2BTigre%26ndsp%3D20%26hl%3Dfr%26rls%3Dcom.microsoft:fr:IE-SearchBox%26rlz%3D1I7ADBF%26sa%3DN%26um%3D1&ei=7gN_SobxJNGojAfeuOjwAQ

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