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Eloge de l'Art par Alain Truong
2 juillet 2011

Paire de coupes couvertes "Aux Sirènes". Chine, époque Kangxi (1662-1722) & Paris, début du XVIIIe siècle

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Paire de coupes couvertes "Aux Sirènes". Chine, époque Kangxi (1662-1722) pour la porcelaine; Paris, début du XVIIIe siècle pour la monture en bronze doré. Photo Marc-Arthur Kohn

Les deux coupes portent une marque en rouge H. 27 cm, L. 27 cm, P. 19 cm - Estimation : 120 000 - 180 000 €

Cette très rare paire de coupes couvertes en porcelaine de Chine d'époque Kangxi s'agrémente d'une très fine monture de bronzes dorés réalisée dans la grande tradition des objets dits «montés» de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle. La panse des vases de forme ovoïde s'orne d'un décor peint de la «famille verte» représentant un bouquet de fleurs polychromes au milieu de feuillages se détachant sur un fond blanc, traité avec réalisme et souplesse. Sur deux autres cartouches sont dispersés des objets du quotidien comme un vase posé sur un guéridon, un brûle-parfum et un pot à pinceaux. Un papillon rouge virevolte au milieu de ces «ustensiles». Les encadrements sont réalisés sur un fond vert parsemé de fleurs et de nuages que l'on retrouve sur le pourtour du couvercle.

La monture de bronzes ciselés et dorés souligne la qualité de la porcelaine, matière que l'on admirait à l'époque et que l'on voulait absolument magnifier compte tenu de sa préciosité. Celle qui orne nos coupes adopte une composition que l'on peut déjà observer dans les montures «à frettes» des vases médiévaux. Ici, la base est ceinte d'une frise de feuilles d'eau. Le bord du couvercle s'agrémente d'entrelacs inscrit dans des oves. Ces deux éléments sont reliés par trois charnières où prennent place de chaque côté deux sirènes servant d'anses. Ces personnages marins, finement ciselés, se composent de deux superbes queues de poissons entrelacées terminées par un feuillage. Les épaules de leurs bustes dénudés, cambrés vers l'avant, se prolongent en feuilles d'acanthe et permettent de rattacher cette sculpture à la porcelaine. Ces sirènes, parées de boucles d'oreilles, adoptent un visage digne et souriant; elles sont coiffées d'un chignon retenu par une fleur sur le devant. Le sommet du couvercle reçoit un motif de graine éclatée bordée d'oves et de rang de perles.

Le Musée du Louvre conserve dans ses collections une paire de coupes en porcelaine de Chine d'époque Kangxi dont les montures sont très proches de celles qui ornent les vases que nous présentons. Les sirènes adoptent la même position, les mêmes atours et la même double queue de poissons. Ces similitudes se prolongent également dans les motifs de feuilles d'eau, d'entrelacs et de graine éclatée. Seul le décor de la porcelaine varie bien que l'on y retrouve également un vase fleuri posé sur un guéridon. La technique de la monture est également semblable car ceux du Louvre et les nôtres utilisent le même système de charnières de fi xation des anses; deux en haut et une en bas. Ces vases du musée parisien ont été signalés au XIXe siècle au Palais des Tuileries où on les voit apparaître en 1826 dans l'appartement de «Messieurs les Maîtres des Requêtes, Secrétaire du Cabinet du Roi», puis au Palais de Saint-Cloud.

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Paire de coupes  en porcelaine de Chine d'époque Kangxi. Musée du Louvre

Comme en témoignent les documents d'archives, ces vases montés appartenaient à de très hauts dignitaires de la Cour; et il est fort probable que ceux que nous présentons, quasiment identiques, étaient en possession d'un grand personnage, peut-être de l'entourage royal, de la fin du XVIIe siècle ou du début du XVIIIe siècle.

Daniel Alcouffe mentionne dans l'ouvrage Les bronzes d'ameublement du Louvre (éd. Faton, Dijon, 2004) la présence de modèles similaires dans les collections royales anglaises. Ce chef-d'oeuvre de bronze et de porcelaine est le parfait reflet de l'art de la monture dont savaient faire preuve les grands artistes du début du XVIIIe siècle pour souligner et mettre en valeur ces objets venus des lointaines contrées d'Extrême-Orient qui déclenchaient alors de véritables passions. Pleine d'audace, cette monture «aux sirènes» traduit ce souci que les personnages fortunés avaient de faire de ces précieuses porcelaines un chef-d'oeuvre tant de l'art asiatique que de l'art français.

Marc-Arthur Kohn. Jeudi 28 juillet à 19h00. SALON DES ARTS et SALON FRANÇOIS BLANC Place du Casino 98000 Monaco. EMail : auction@kohn.fr - Tél. : +33 1 44 18 73 00

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