Coupe aquamanile « Fantastique » Florence, milieu du XVIe siècle

16 mars 2011

Coupe aquamanile « Fantastique » Florence, milieu du XVIe siècle

Coupe aquamanile « Fantastique » Florence, milieu du XVIe siècle. photos Marc-Arthur Kohn

Matériau Marbre blanc H. 17 cm, L. 36 cm, P. 28 cm - Estimation : 150 000 - 180 000 €

Cette rarissime coupe en marbre blanc de forme ovale présente un surprenant décor sculpté caractéristique de l'art maniériste florentin des années 1540-1570. Un visage fantastique, mi-animal mi-démon, sert de dégueuloir. Il révèle la virtuosité du sculpteur qui a su rendre toute l'agressivité du sujet, la crainte qu'il inspire, lui donnant une position dominante en le plaçant en léger surplomb par rapport à l'ensemble de la pièce. Ses dents acérées, ses oreilles pointues et ses ailes qui se déploient sur le sommet de la coupe lui confèrent un véritable aspect démoniaque. A l'arrière de cette coupe on trouve un mascaron, lui aussi fantastique et fabuleux, fait d'un faciès humain, chevelu et barbu dont le sourire se tord en rictus dévoilant une rangée de dents pointues à l'instar de ses oreilles. De chacun de ces visages jaillit une volute s'enlaçant au centre des côtés de la coupe dont la sculpture et la courbe ne sont pas sans rappeler les cornes de Lucifer. Une large poignée au centre du récipient permet son maniement. Cette coupe repose sur deux pieds griffus à l'avant et sur le menton du mascaron à l'arrière.

Cet objet troublant, adoptant des formes et une iconographie insolites, servait étonnamment à purifier les mains du prêtre au cours de la messe. Le mot « aquamanile » tire son étymologie du latin « aqua manibus », « de l'eau pour les mains ». Cet objet rituel existait dès les premiers temps chrétiens, sous forme de fontaine, car les Saintes Ecritures réclament de prier avec les mains pures. On sait qu'il fut également utilisé pour les baptêmes. C'est au XIIe siècle que se répand réellement cet objet servant à déverser de l'eau. Il est utilisé deux fois pendant l'office: après l'offertoire pour purifier les mains qui ont touché l'encensoir et après la communion pour rincer les doigts qui ont tenu les hosties. Vers la fin du XVe siècle et au XVIe siècle, l'aquamanile cesse de devenir un objet purement religieux pour devenir décoratif et orner les sacristies ou les crédences des grands personnages. Une telle iconographie « démoniaque » peut sembler incongrue mais peut s'expliquer par la croyance selon laquelle l'eau qui sort de la gueule des monstres se purifie et permet de véritables ablutions. La coupe que nous présentons avait très probablement un usage domestique pour un dignitaire de l'époque. Elle montre parfaitement les recherches décoratives de l'art maniériste florentin où le fabuleux et l'irréel s'expriment à travers des positions de corps invraisemblables, des bras et des jambes monumentaux et des expressions de visages tout aussi fantasmés ; comme en témoignent nombre de sculptures et de peintures de l'époque à Florence.

Notre objet peut également s'associer à l'univers des grottes et des fontaines très en vogue au milieu du XVe siècle notamment au regard des travaux réalisés par Andrea Ferrucci à la fontaine du Sprone ou encore aux mascarons en bronze de la fontaine d'Hercule et de la fontaine d'Antée à Florence. Ces trois fontaines sont des oeuvres d'Andrea Ferrucci (1559-1626). Un peu plus tardivement, Pietro Tacca (1577-1640) réalisa en 1629 deux fontaines dans cette même ville où il laissa libre court à son imagination et dont le bestiaire fantastique rappelle le travail effectué par l'artiste qui réalisa notre aquamanile.