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Eloge de l'Art par Alain Truong
5 mars 2009

"Le Grand monde d’Andy Warhol" @ Grand Palais, Paris

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Andy Warhol, Ethel Scull 36 times (détail), 1963, 202,6 x 363,2 cm - Whitney Museum of American Art / Metropolitan Museum of Art, New York - © Andy Warhol Foundation for the visual arts inc./ Adagp, Paris 2009

En 1962, Andy Warhol peint les portraits de Marilyn Monroe, de sa rivale Liz Taylor, réinterprète La Joconde et Elvis Presley. A partir de 1967 et jusqu’à sa mort en 1987, il réalise, sur commande, les portraits de dizaines de personnalités diverses, célèbres ou inconnues, offrant à un monde fasciné par les apparences un miroir flatteur et vertigineux. Il remettait ainsi à l’honneur un genre négligé, en y appliquant de nouveaux codes qui marqueront très profondément l’histoire du portrait.

Aux côtés de stars du cinéma et de la musique (Brigitte Bardot, Jane Fonda, Mick Jagger, Sylvester Stallone), on trouve aussi des portraits d’artistes (Man Ray, David Hockney, Joseph Beuys, Keith Haring), de collectionneurs et de marchands (Dominique de Ménil, Bruno Bischofberger, Ileana Sonnabend, Leo Castelli), d’hommes politiques (Willy Brandt, Edward Kennedy), de couturiers (Giogio Armani, Sonia Rykiel, Hélène Rochas), de personnalités de la jet-set (Gianni Agnelli, Lee Radziwell, la princesse de Monaco, Gunther Sachs) connus ou moins connus, tous y gagnent un peu de cette aura que procure le génie de Warhol.

Avec cette série, Warhol dresse le tableau d’une société tout entière, et met en place une nouvelle forme de production artistique, sérielle, presque industrielle.

Pour réaliser ses portraits, dans son atelier connu sous le nom de « Factory », Andy Warhol mettra au point un processus systématique au début des années soixante-dix : maquillage et prise de vue de ses modèles au polaroïd Big Shot (le musée Warhol de Pittsburgh conserve plusieurs centaines de ces photos, dont certaines seront présentées dans l’exposition), choix des clichés, peinture et transposition sérigraphique.

Une sélection de cent trente oeuvres parmi le millier de portraits qu’il a peint depuis le début des années soixante est ici présentée selon différents thèmes articulés à des moments essentiels de l’oeuvre warholien : les Autoportraits, les Screen Tests, Mao, les Dollars, les Catastrophes, la Dernière Cène…, et qui permettent de les replacer dans une vision rétrospective de sa production.

En 1979, le Whitney Museum avait exposé une cinquantaine de ces tableaux, mais depuis lors – et bien que nombre d’entre elles soient devenues des « icônes » – ils n’ont pas fait l’objet d’une exposition à part entière. Avec l’ambition de restituer l’effet du principe de répétition que Warhol avait à l’esprit en réalisant son oeuvre, la Rmn présente pour la première fois cet ensemble considérable de tableaux qui constitue une archive sans précédent dans l’histoire de la peinture et de laphotographie.

“All my portraits have to be the same size, so they’ll all fit together and make one big painting called Portraits of society. That’s a good idea, isn’t it? Maybe the Metropolitan Museum would want it someday.”

« Tous mes portraits doivent avoir le même format pour qu’ils tiennent tous ensemble et finissent par former un seul grand tableau intitulé Portrait de la société. Bonne idée, non ? Peut-être que le Metropolitan Museum voudra l’acquérir un jour ».

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© Andy Warhol Foundation for the visual arts inc./ Adagp, Paris 2009

Andy Warhol (1928-1987)

État civil : Andrew Warhola
Dates : 1928-1987

Les années de formation

Andrew Warhola naît en 1928 à Pittsburgh en Pennsylvanie. Il est le troisième fils de Julia et Ondrej Warhola, émigrés d’origine tchécoslovaque.
Enfant, il est souvent malade et passe beaucoup de temps à dessiner ou à feuilleter des revues auprès de sa mère.
En 1945, Andrew Warhola rentre au Carnegie Institute dont il sortira diplômé en 1948. Etudiant doué, il se fait remarquer par le caractère polémique de ses travaux.

Les débuts à New-York, un illustrateur vite reconnu

Son diplôme en poche, il se rend aussitôt à New York. Très vite, et en dépit de ses airs timides, son opiniâtreté et la qualité de son porte folio lui ouvrent les portes des plus grandes revues.
Il dessine notamment pour Glamour et prend le nom d’Andy Warhol. Le style profondément original et frivole de ses illustrations au trait tamponné lui acquiert très vite une reconnaissance. Sa force de travail inégalée lui permet de décrocher de nombreuses commandes et il devient un illustrateur en vue. Il signe régulièrement des publicités de chaussures pour I. Miller.
À la même époque, il réalise aussi plusieurs albums auto-édités : A is an alphabet, Love is a pink cake, In the bottom of my garden.

La percée dans le monde des Beaux-Arts

À la fin des années 50, Warhol ne se contente plus de sa carrière d’illustrateur et cherche à devenir un artiste à part entière.
La percée de John Rauschenberg et Jasper Johns annonce la fin du triomphe de l’expressionnisme abstrait.
Le style de Warhol évolue beaucoup durant cette période, il réalise ses premières peintures à l’épiscope à partir de bandes dessinées et d’annonces publicitaires.
En 1961, il rencontre Ivan Karp, le gérant de la galerie Castelli à qui il fait visiter son atelier. Très vite s’y succèdent Henry Geldzahler, jeune conservateur au Metropolitan Museum ; Irving Blum, propriétaire de la Ferus Gallery à Los Angeles ainsi qu’un certain nombre de collectionneurs.
Il découvre l’œuvre de Roy Lichtenstein et abandonne alors la bande dessinée pour se tourner vers des objets de consommation : c’est la série des Campbell’s soup. Ces tableaux d’une précision toute mécanique, natures mortes d’un genre nouveau déconcertent le milieu artistique et marquent un tournant décisif dans la carrière de l’artiste.
En juillet 1962, Irving Blum consacre à Andy Warhol sa première exposition personnelle.

Andy Warhol, artiste pop consacré

En 1962, Andy Warhol commence à introduire la sérigraphie dans ses peintures. Grâce à ce procédé, il réalise de très nombreux portraits de vedettes de cinéma dont Troy Donahue, Warren Betty ainsi que toute la série des Marilyn Monroe.
En novembre 1962, il obtient enfin sa première exposition solo new-yorkaise à la Stable Gallery. C’est un succès.
Andy Warhol fait désormais partie des tenants d’un nouveau style : le pop qui se caractérise notamment par le choix des sujets représentés et une certaine vision de la société de consommation.
Cependant, le pop ne constitue pour Warhol qu’un épiphénomène. En 1963, il peint la série des accidents de la route, les chaises électriques, les émeutes raciales, les suicides et les catastrophes du thon abordant ainsi un thème essentiel dans toute son œuvre : la mort et sa représentation.
À cette époque, il réalise également son premier portrait de commande : Ethel Scull, thirty six times. Et en février 1963, à l’occasion de la venue de la Joconde au Metropolitan Museum, il exécute son Thirty are better than one dans lequel il juxtapose trente images de la célèbre Mona Lisa laquelle est sérigraphiée en noir sur fond blanc.

Warhol et la Factory

Au cours de l’été 1963, Andy Warhol commence à s’intéresser au cinéma underground. Il s’achète une caméra 16mm et réalise plusieurs films.
Ses réalisations présentent une double particularité : il filme à 24 images secondes mais projette la pellicule à 16 images secondes. Il choisit également de se concentrer sur des fonctions physiologiques essentielles telles que dormir (Sleep), manger, (Eat), jouir (Blow Job).
À la même époque l’artiste loue un grand loft qui sera baptisé Factory. Cet espace est décoré par Billy Name qui le recouvre intégralement de papier argenté. La Factory attire une faune éclectique composée d’artistes et de marginaux de toute sorte. En 1964, Dorothy Podber, enfant terrible de la scène artistique new-yorkaise et amie de Billy Name, entre à la Factory armée d’un pistolet et tire sur quatre portraits de Marylin qui deviendront les Shot Marylin.
La même année, il commence les Screen Tests : courts portraits filmés de trois minutes. Et, quelques semaines après l’assassinat de Kennedy, il entame la série des Jackie. Il participe à l’exposition universelle de New York où il expose les Most Wanted Men et rejoint la galerie Leo Castelli.
Parallèlement, il continue à réaliser de nombreux films et crée des stars d’un genre nouveau : les supers stars. Jane Holzer baptisée Baby Jane sera sa première superstar. En mai 1965, à l’occasion du vernissage de son exposition à la galerie Sonnabend à Paris, il annonce qu’il abandonne la peinture pour le cinéma. Paul Morrissey devient son bras droit pour la production des films.

En 1966, Andy Warhol devient un pionnier de la boîte de nuit psychédélique en produisant son spectacle multimédia The Exploding Plastic Inevitable pour lequel il collabore avec le Velvet underground et Nico. Contrairement à ses dires, Il continue à peindre et poursuit sa production de portraits et d’autoportraits. Pour sa deuxième exposition chez Leo Castelli en 1966, il montre son papier peint à tête de vache et accroche ses nuages flottants gonflés à l’hélium. Cet été là, il réalise Chelsea Girls qui sera salué comme son chef d’œuvre cinématographique.

En février 1966, Valérie Solanas fondatrice et unique membre de la Scum (Society for Cutting Up Men) pénètre dans la Factory et tire sur Andy Warhol le blessant grièvement. Il échappe de peu à la mort.
Cet épisode constitue un tournant dans la vie de l’artiste qui en sort durablement marqué.

Interview magazine et les portraits de commande

En 1969, Andy Warhol fait paraître le premier numéro d’Interview, revue mensuelle de cinéma. Parallèlement, son activité de portraitiste se développe et devient pour lui une manne substantielle. Marchands, collectionneurs, vedettes de spectacle, industriels, couturiers, artistes, hommes d’état sont successivement représentés. Les sérigraphies sont désormais réalisées à partir de polaroids.
Il prend ses distances avec le cinéma et en 1972 commence la série des Mao. Son atelier déménage et est rebaptisé l’Office.
En 1976, il réalise la série des Hammer and sickles puis la série des Skulls et commence à dicter son journal à Patt Hackett lequel sera publié après sa mort.
A cette époque, Andy Warhol déploie une intense activité mondaine ; il devient un habitué du Studio 54, discothèque mythique située sur la 54e rue, dans un ancien studio de CBS.
En 1978, il revisite l’abstraction avec les Oxydation paintings et la série des Shadows. Il réalise également une nouvelle série d’autoportraits plutôt macabres, les Self portraits with skulls. Puis en 1979, il se consacre aux Reversals (compositions existantes reprises en négatif) et aux Rétrovisions (patchworks de ses anciens motifs).
En 1981, il rencontre Basquiat. Les deux artistes deviennent amis et exécutent ensemble de nombreux tableaux dont certains seront exposés à la galerie Shafrazi. En 1985, MTV diffuse le Andy Warhol’s fifteen minutes, programme conçu et présenté par Warhol.
En 1986, Alexandre Iolas lui commande des œuvres inspirées de la Cène de Léonard qui seront présentées lors d’une exposition à Milan en janvier 1987. Ces compositions magistrales renouent avec une thématique religieuse présente en filigrane dans l’ensemble de l’œuvre de l’artiste.

Peu de temps après, Warhol est hospitalisé pour un problème de vésicule biliaire et décède de complications post opératoires à l’âge de 59 ans.

Protéiforme, la production de Warhol dépasse très largement les frontières du pop. Artiste extraordinairement prolifique et systématique, Warhol a été tour à tour, peintre, sculpteur, cinéaste, photographe, illustrateur, auteur, éditeur.
Volontiers provocateur, il aura érigé la superficialité en système et offert au regard un vertigineux miroir : « Les gens disent toujours que je suis un miroir - si un miroir regarde dans un autre miroir, qu’est-ce qu’il peut bien voir ? »

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